"Seule sur une terrasse à l'aube, à boire mon passé..."

Boire mon passé...

Le passé se boit comme le café: tout doucement, dans un moment où la solitude fait peser ses lourdes pupilles sur nos fragiles épaules. On serre la tasse de passé contre soi; ça nous réchauffe, on essaye d'en boire une petite gorgée.

Elle brûle. On ferme les yeux dans un frisson.

On ouvre les yeux, doucement; on souffle un peu, pour faire passer ce trop plein de chaleur. Voilà, ça devrait aller.

On en boit un peu. Une photo, une vieille mélodie que l'on aimait à chanter ensemble... Oui, c'est amer. On étire les lèvre de dégoût.

C'est amer, mais ce n'est pas mauvais, et ça réchauffe.

Un léger sourire nous surprend les lèvres, comme un souffle.

Les quelques gorgées qui suivent seront les plus faciles: la joie de redécouvrir certains souvenirs perdus, la chaleur qui s'installe. On passe sa main doucement le long de la tasse, quelques rires étouffés au fond du cou.

Puis le café se refroidit, et avec un soupir, on regarde le calendrier. Le temps est passé trop vite.

Le sourire se fait mélancolie, et on sait que l'on ne pourra supporter encore longtemps nos propres fantômes.

Vous finissez souvent votre tasse de passé? Tout est atroce dedans: c'est froid, amer, mauvais. Ce n'est plus bon, tous ces regrets. La caféine pénètre votre sang et fait battre le cœur trop fort pour que ce soit agréable.

Il est temps de se lever, de poser sa tasse, et de laisser le passé à ses démons. Le marc ne goutte pas dans l'évier avec le fond du café glacial. Il en reste quelques petits grains.

Vous pouvez, si vous voulez, le rincer avec des sanglots.

C'est ce que j'ai fait jusqu'à présent. Il est temps maintenant de modestement conserver un peu de l'arôme et de l'énergie que donne le passé.

Il y aura bien d'autres occasions de verser des larmes.